En 1970, Citroën fait une entrée remarquée dans le monde des GT avec la SM. Motorisée par un six cylindres d’origine Maserati, la SM surprend, attire, fait rêver et réussi même à inquiéter – au début tout du moins – Mercedes, Porsche et BMW. OttOmobile a reproduit la SM au 1/12ème. L’occasion pour moi de revenir sur l’histoire de cette fantastique automobile.
En 1956, Citroën révolutionne l’automobile avec le lancement de sa DS 19. Cette dernière acquiert très rapidement ses lettres de noblesse grâce à son incroyable tenue de route et ses performances.
Au milieu des années 60, le bureau d’études de Citroën planche sur une voiture de sport qui utiliserait la technologie de la DS. C’est le projet S. Avec le rachat de Maserati en 1968, Citroën décide de faire bénéficier le projet S d’une mécanique conçue par les ingénieurs de la marque au Trident. Des prototypes équipés d’une carrosserie de DS modifiée et d’un moteur Maserati sont conçus pour la mise au point la future GT.

Dans le même temps, l’équipe du style dirigée par Robert Opron dessine la silhouette de celle qui va concurrencer les meilleures sportives de l’époque lors de son lancement prévu en 1970.

C’est à Genève que Citroën présente la version de série de son projet S. Dénommée SM, cette somptueuse GT est animée par un six cylindres Maserati développant la puissance de 170 ch lui permettant d’atteindre la vitesse de 200 km/h.

Elle est équipée d’une suspension hydropneumatique et d’une incroyable direction asservie à la vitesse, ferme à haute vitesse, hyper assistée à basse vitesse et dont les roues reviennent d’elles même en ligne droite si on lâche le volant.

La SM se distingue également par son design racé, mais très atypique avec ses phares dissimulés derrière une belle verrière, son absence de calandre, ses roues arrière carénées, sa poupe plus étroite que l’avant et l’arrière assez massif. L’habitacle bénéficie pour sa part d’un luxe et d’une finition jusqu’alors inconnus des voitures françaises.

Lors de son lancement, la SM ne laisse personne indifférent, à commencer par les journalistes qui en prennent son volant.

La SM se présente […] comme une voiture exceptionnelle, au moins aussi exceptionnelle et intelligente que le fut la DS à l’origine. […] La réussite est incontestable.
André Costa, L’Auto Journal – n°24 – 1970
André Costa, le journaliste vedette de l’Auto Journal, réalise un banc d’essai complet de la SM qui est publié en décembre 1970. Il avoue une légère appréhension due à la direction « déroutante » avant de débuter son essai : « cette direction est effroyablement directe, terriblement assistée et commandée par un petit volant ovale qu’un enfant aurait refusé sur sa voiture à pédales voilà 10 ans. Un effort physique symbolique suffit à braquer les roues à la vitesse de l’éclair et, par surcroit, le rayon de braquage est minimal. […] Et bien, après 2000 kilomètres de conduite, je crois pouvoir dire que je suis convaincu ». Ouf !

La suite de l’article est d’ailleurs élogieuse pour les ingénieurs de Citroën : « les responsables de cette direction ont su arracher au ciel et clouer au goudron la douceur et la vivacité inhérente à la conduite aéronautique. C’est maintenant le règne de la conduite organisée, consciente, intellectuelle qui débute mais, il faut le souligner, cette intelligence recèle son propre venin. Elle recule les bornes du possible, elle permet de virer, de tenir sa trajectoire à des vitesses étonnantes mais, comme le disaient les Gaulois : « malheur aux vaincus ! ». L’erreur éventuelle -celle qui est humaine – se produira dans de telles conditions qu’elle conduira parfois à la catastrophe. Se tromper à 100 km/h peut passer… A 200 km/h, il ne reste qu’à s’enquérir du prix des chrysanthèmes ».
Si la SM n’est pas aussi rapide qu’une Porsche 911 de l’époque, André Costa semble néanmoins séduit par ses performances et sa tenue de route : « une fois ébranlée, la SM révèle une richesse de tempérament dont les chiffres ne peuvent vraiment témoigner. Une vitesse de pointe sur piste ou sur autoroute, une mesure d’accélération sur 1000 mètres, c’est bien, mais qu’est-ce que cela signifie par rapport à la pluie, au vent, aux revêtements glissants, aux nids de poules, aux virages mal dessinés, à la nuit même ou à la fatigue du pilote ? Il est certain qu’une Ferrari ou une Porsche 911S, ça va plus vite qu’une SM, mais je crois cependant que l’utilisateur roulant sur tous les genres de routes européennes, à toutes les heures et par tous les temps, rencontrera souvent des conditions d’exploitation où il s’estimera à juste titre imbattable, à talent de conducteur égal bien entendu. […] La SM est, considérée sous un certain angle, peut-être la première voiture sportive à être réellement utilisable par n’importe quel amateur, pour son plaisir, et cela même si la SM ne gagne jamais une épreuve sportive ».

Marianne Antoine et Florence Rémy qui animent la célèbre rubrique Le point de vue de Madame de l’Auto-Journal complètent ainsi les commentaires d’André Costa : « La ligne générale trahit la race, la noblesse, la puissance, avec, pour l’arrière, un rien de lourdement hautain. […] La vue de l’intérieur vient ranimer ma flamme. Le tableau de bord est doté de cadrans ovales bien dessinés qui s’harmonisent avec le volant, légèrement ovale lui aussi, dont le mini diamètre et l’épaisseur surprennent. […] Je n’aurai que des éloges pour la console centrale, discrètement bordée d’une piqure sellier. Son métal luit sans ostentation et met en valeur un beau levier de vitesses et un cendrier de bonne taille et à volet étanche. […] C’est élégant et sobre. […] Vingt sur vingt aussi pour le dessin et le confort des sièges ».
En ce qui concerne les impressions de conduite, voici ce qu’elles nous disent : « On m’avait prévenue, la conduite est assez spéciale et déconcertante. Est-ce pour cela que j’ai éprouvé moins de difficultés que je ne le craignais ? […] Il faut certainement quelques centaines de kilomètres pour se familiariser avec cette conduite d’un type nouveau, mais très agréable, à mon avis ».
Un nouvel art de conduire.
L’Automobile Magazine 1970
Lors d’un comparatif entre la SM et ses concurrentes de l’époque (Mercedes 280 SE 3,5L, Fiat Dino 2400 et Porsche 914/6), les journalistes de L’Automobile Magazine confirment les bonnes impressions d’André Costa, de Marianne Antoine et de Florence Rémy et concluent ainsi l’essai de la SM : « c’est un nouvel art de conduire que propose cette voiture. Au volant de la SM, on découvre une autre route et, surtout, les joies du 200 km/h en toute décontraction. Pour déguster, pour savourer cette proposition, il faut accepter d’oublier toutes les réactions instinctives nées de la conduite des voitures « conventionnelles ». La SM ne se conduit ni avec les bras, ni avec les mains, mais du bout des doigts ; c’est la monoplace à portée du premier millionnaire venu ».
Les premiers mois de commercialisation sont encourageants et la SM réussi à séduire un grand nombre d’automobilistes.
Le carrossier Henri Chapron se penche avec succès sur la SM et en dérive une somptueuse berline dénommée SM Opéra et un très beau cabriolet, la SM Mylord. Il est également le créateur de l’incroyable SM Présidentielle qui devient, en 1972, la voiture officielle de l’Elysée !

La SM est également exportée dans le monde entier et acquiert une belle notoriété aux Etats-Unis.

Enfin, elle réussit à gagner ses premiers succès en sport automobile dès l’année 1971.

Pourtant, les nuages s’amoncellent rapidement au-dessus de la belle Citroën. Le moteur souffre de défauts de jeunesse et de nombreux propriétaires sont victimes de casses moteur à répétition… Le réseau n’est quant à lui pas suffisamment préparé pour vendre et entretenir la SM et n’est pas à la hauteur de la belle franco-italienne. Enfin, le choc pétrolier apporte un coup dur à la SM qui a un gros appétit…
Malgré l’arrivée de l’injection et ses 8 chevaux supplémentaires en 1973 puis de l’option boîte automatique en 1974 les ventes ne cessent de chuter.
En proie à de grosses difficultés, Citroën décide de jeter l’éponge et stoppe la fabrication de la SM en 1975.

Au total, 12920 SM ont été fabriquées. Aujourd’hui méconnue du grand public, cette formidable voiture a marqué l’histoire de Citroën. Fiabilisée, elle fait la fierté de ses propriétaires et reste l’une des Citroën les plus désirables, une formidable machine à rouler.

La miniature
Citroën SM 1/12ème by OttOmobile

Citroën SM OttOmobile – Ref. : GO53 – Unités produites : 999
Un peu de lecture
Peu de livres ont été édités sur la SM. Les plus intéressants sont probablement ceux écrits par Olivier de Serres, fin connaisseur de l’histoire et des modèles Citroën. A noter également l’ouvrage édité pour les 100 ans de la marque qui revient longuement sur l’histoire de la SM. Enfin pour toutes celles et ceux qui aiment lire la presse de l’époque, je vous conseille le n°26 de la Collection Auto Archives consacrés à la SM. Epuisé de longue date, cet ouvrage écrit par Fabien Sabatès se trouve néanmoins facilement sur les sites spécialisés.
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